Les leaders RH en tant que décideurs

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Prendre les bonnes décisions stratégiques est certainement la première responsabilité des dirigeants. En ce qui concerne les leaders RH, il est fascinant de constater les limites et les particularités des décisions qu’ils doivent prendre. Nous avons exploré trois grandes questions avec un groupe de neuf leaders RH.  Quelles sont les grandes décisions qu’ils doivent prendre en 2019-2020 ? Quelles sont les caractéristiques distinctives des décisions stratégiques RH? Et quelles sont les décisions les plus difficiles qu’ils ont eu à prendre?

LES GRANDES DÉCISIONS RH À PRENDRE EN 2019-2020
Malgré la diversité des propos que nous avons recueillis, il est possible de dégager différents domaines dans lesquels les leaders RH rencontrés devront prendre des décisions déterminantes au cours des deux prochaines années.

 

  • Être un architecte des talents
    La pression immense qui s’exerce sur les organisations pour attirer, développer et fidéliser les talents laisse peu de choix aux leaders RH. Répondre aux besoins pressants de l’organisation pour avoir les bons employés aux bons postes, à tous les niveaux et au bon moment, se classe au sommet des priorités.
    Déterminer qui va prendre la relève dans les postes spécialisés et stratégiques, particulièrement ceux à la direction de l’organisation, est la préoccupation dominante. « La continuité de notre culture d’entreprise en dépend. Il faut être en mesure de faire le bon casting pour pourvoir les postes clés. On n’a pas le droit à l’erreur. » Cette priorité amène son lot de décisions plus tactiques visant à créer un pipeline de talents fluide et étanche aux départs volontaires afin « d’assurer une bonne transition entre la génération qui quitte et celle qui émerge ».

 

  • Être un conseiller stratégique
    Accompagner l’évolution de la structure organisationnelle et gérer le changement qui en résulte s’annonce comme une priorité. « Nous vivons une forte croissance et d’importantes évolutions dans la structure organisationnelle puisque nous allons doubler nos effectifs en l’espace de cinq ans. Ce changement est très délicat parce qu’il va influencer la dynamique du groupe et des comités de direction. » Les décisions structurelles touchent aussi l’organisation du travail pour créer « un modèle organisationnel qui optimise la création de valeur pour le client ».

Pour un autre leader RH, son rôle d’influenceur s’étend à la façon dont l’organisation doit se préparer au futur. À cet égard, d’autres ont fait référence à l’importance de « définir une mission commune qui rallie tout le monde afin de bâtir de solides relations sur le long terme » ou de « garder l’accent sur le virage culturel, entre autres en démontrant les avantages qui en découlent ».

 

  • Être le leader de la fonction RH
    Deux sujets ont émergé comme autant de préoccupations, donc de décisions en cours et à venir, à savoir la restructuration du service RH et une redéfinition des systèmes RH intégrés. Ce dernier thème est particulièrement présent. « Nous investissons en technologie, incluant ce qui a trait au système RH intégré, pour donner plus de visibilité et d’imputabilité à ce qui se passe », dit un leader RH. « Les systèmes RH intégrés facilitent nos décisions, entre autres en nous permettant de nous dégager des tâches administratives avec lesquelles la fonction RH est associée depuis toujours », dit un autre.

LES PARTICULARITÉS DES DÉCISIONS RH
Au fil des discussions, les leaders RH se sont décrits comme des joueurs organisationnels amenés à prendre des décisions ayant au moins trois caractéristiques importantes.

 

  • Ces décisions sont complexes
    Les leaders RH affirment que les décisions dans leur domaine sont particulièrement complexes parce qu’elles requièrent « une connaissance en profondeur de l’organisation et de ses parties prenantes » et parce qu’elles imposent « la prise en compte de variables nombreuses et diversifiées, car on doit penser non seulement à l’humain, mais aussi aux affaires, à la technologie et à l’ensemble de l’organisation ».

Un autre facteur qui tend à complexifier les décisions RH est qu’« il est important de bien ficeler les dossiers, mais surtout d’intégrer les décisions entre elles et à l’organisation pour que ça ait du sens. Les décisions RH ont longtemps été prises de façon isolée alors qu’aujourd’hui, nous sommes tenus de dégager un fil conducteur dans ce que nous proposons. »

 

  • Ces décisions sont politiques
    De nombreuses décisions RH sont délicates, surtout si elles concernent des collègues et des collaborateurs. Elles exigent donc du leader RH une indépendance et une impartialité totales, qui sont souvent mises à l’épreuve. Ceci nécessite une saine gestion des amitiés dans l’organisation. « On ne peut pas être un leader RH et avoir les mêmes relations amicales/personnelles que dans les autres fonctions compte tenu des décisions que nous sommes appelés à prendre. »

Pour reprendre les mots d’un autre leader RH : « La position de leader RH n’est pas seulement composée de décisions ; elle concerne aussi des conseils et un accompagnement en tant que partenaire d’affaires. Il faut porter les trois chapeaux en même temps. » Une autre particularité est donc l’ambiguïté qui entoure le partage des responsabilités entre le leader RH et les gestionnaires quant à la décision elle-même et à sa mise en oeuvre. Un de nos leaders RH décrit le défi en ces termes : « Donner le pouvoir au gestionnaire et bâtir son autonomie à l’égard des décisions RH dans son secteur tout en veillant à son propre devoir de gouvernance et à l’imputabilité de la fonction RH. »

 

  • Ces décisions sont imputables
    Démontrer l’impact des décisions RH afin de « réaffirmer les prédictions et augmenter la crédibilité de la fonction RH » a accaparé une partie de la discussion entre les neuf leaders RH. « Chaque décision qui est prise va créer un certain précédent. Il faut donc pouvoir défendre ses choix et avoir un argumentaire solide. »

Reconnaître cette imputabilité nécessite de faire appel aux données probantes et à l’analytique dans la prise de décision. « Il faut convaincre avec les faits et la science, et faire en sorte qu’on laisse de côté les préjugés et les biais. » Cependant, les leaders RH sont d’avis qu’il faut aussi valoriser le jugement, donc le volet qualitatif des décisions RH. Ils avancent qu’« un individu ne se réduit pas à un algorithme ».

 

  • Les décisions RH les plus difficiles
    Plusieurs leaders RH rencontrés s’accordent sur la difficulté de deux situations particulières.
    La première est de gérer l’effet humain de certaines décisions RH, notamment les mises à pied et les congédiements. « Bien que cette responsabilité fasse partie du métier, elle a sollicité leur côté humain. » L’empathie se présente alors comme essentielle.

La seconde concerne l’écart qui peut se créer entre les valeurs personnelles et la situation qui prévaut dans l’organisation suite à une acquisition, par exemple. La question devient alors personnelle. « Rester ou quitter ? J’avais de la difficulté à réconcilier mes valeurs personnelles avec mon engagement envers l’organisation », confie l’un de nos leaders RH. Rester correspond à défendre des positions avec lesquelles on est en désaccord.

Conclusion

Les leaders RH s’accordent sur une dernière caractéristique de leur situation : ils doivent voir à ce que les bonnes décisions soient prises et à ce que l’organisation avance dans la bonne direction sans pour autant prendre le mérite qui leur revient. « Nous sommes comme des photographes. Ce sont les gens que nous mettons en valeur dans l’organisation. »

Alain Gosselin, CRHA, Distinction Fellow Raja Abid 25 avril 2019 

Source : Revue RH, volume 22, numéro 2, avril/mai/juin 2019.

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